Hommage à Michel de M’Uzan
Gérard Szwec
Michel de M’Uzan fut l’un des pionniers de la psychosomatique psychanalytique. Dés le début des années 60, avec Marty, Fain et David il élabore les travaux fondateurs de ce courant de pensée qu’on a appelé l’«École de Paris de psychosomatique », et qui perdure aujourd’hui.
Ils centrent l’écoute de leurs patients, quelles que soient leurs maladies, sur leur seul fonctionnement mental. C’est une révolution qui va les amener à des découvertes majeures sur les caractéristiques négatives de ce fonctionnement. Ainsi, de M’Uzan décrit la pensée opératoire avec Marty et co-signe l’Investigation Psychosomatique, ouvrage inaugural de leur recherche, avec Marty et David.
Il est alors en 1ère ligne d’un débat qui embrase le monde psychanalytique. Alors que nombre de psychanalystes affirment que les symptômes somatiques sont tout aussi porteurs de significations symboliques inconscientes que les symptômes psychiques, Michel de M’Uzan soutient que « le symptôme psychosomatique est bête », une formulation qui marquera les esprits.
Ses connaissances en psychosomatique doivent, alors, beaucoup à son expérience de consultation et de recherche dans le service de gastro-entérologie de l’hôpital Bichat.
Michel de M’Uzan et les 3 autres membres de l’Ecole de Paris fondent l’Association IPSO et ouvrent une consultation de Psychosomatique qui a fonctionné un temps rue Falguière. Malgré quelques divergences théoriques et le fait que de M’Uzan n’ait pas accompagné Marty et Fain dans la création de l’Hôpital de la Poterne des Peupliers, ils suivront pourtant des sillons théorico-cliniques proches en restant fidèles à leurs conceptions initiales élaborées en commun.
Michel de M’Uzan, pour sa part, a beaucoup œuvré à ce que le point de vue économique freudien, quelque peu délaissé par les psychanalystes, soit mieux pris en compte. Sa démarche l’a amené à théoriser une clinique de l’économique, comme dans sa description magistrale des « esclaves de la quantité ».
Il a eu le courage intellectuel d’aborder les questions posées par la cure d’un patient mourant. Il pensait qu’un engagement profond du psychanalyste pouvait permettre à ce patient de développer ce processus créateur qu’il a appelé le travail du trépas.
Michel de M’Uzan a été un as du volant qui conduisait des bolides automobiles, et c’est une virtuosité comparable qu’il a montrée dans l’art de l’interprétation psychanalytique. Il a été un explorateur téméraire de ces « régions frontières pour lesquelles la théorie psychanalytique n’a pas toujours de nom », ainsi que les a désignées Murielle Gagnebin.
L’œuvre que Michel de M’Uzan nous laisse est formidablement stimulante pour la créativité de nouvelles générations d’analystes. À l’IPSO, le dialogue avec ses idées n’a jamais cessé, et a pris même un nouvel essor.
Pour moi, comme pour beaucoup d’entre nous, il a été un maître et un ami.
Aujourd’hui, c’est au nom de l’Association IPSO, qui lui doit tant, que je lui rends hommage. Et également au nom du groupe de travail que nous avons formé avec lui pendant 15 années ou plus, Claude Smadja, Michel Ody et moi-même, avec la participation, dans les premières années, de Marilia Aisenstein, Marina Papageorgiou et Diane Le Beuf.
Je crois qu’aucun d’entre nous n’oubliera ces rencontres du dimanche matin avec Michel, débatteur le plus courtois qu’on puisse trouver, mais qui ne détestait pas nous proposer des hypothèses provocatrices pour nous inviter à bousculer avec lui les idées reçues.
Je te remercie infiniment pour cela, Michel,
Gérard Szwec