Diane L’Heureux Le Beuf 

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Hommage à Diane L’Heureux Le Beuf 
Gérard Szwec

Diane L’Heureux-Le Beuf a été une figure marquante de la psychosomatique qu’elle a contribué à développer aux côtés de Pierre Marty.
Elle a rejoint les psychanalystes de l’Ecole de Paris dés l’époque du dispensaire de la rue Falguière. Elle avait obtenu en 1972 une bourse d’études dans le cadre d’accords franco-québécois pour faire un stage au Centre de consultations et de traitements psychosomatiques dirigé par Pierre Marty. Elle a suivi celui-ci lorsqu’il a créé l’Institut de psychosomatique (IPSO) avec Michel Fain et ouvert l’Hôpital de la Poterne des Peupliers, où elle a été très proche de Pierre Marty dans le quotidien de l’institution. Elle y a pratiqué des psychothérapies d’adultes ayant des affections somatiques et des psychothérapies d’enfants dés l’ouverture de l’unité enfants par Léon Kreisler. Elle a également pratiqué des psychothérapies de relaxation psychanalytique, expérience qu’elle avait acquise auprès de Marie-Lise Roux à Sainte-Anne où elle a exercé un temps. Elle avait donc une pratique très diversifiée et excellait dans tous ces domaines si différents. 

Parallèlement à son activité de psychanalyste formatrice de la SPP, elle a joué un rôle important dans la vie scientifique et la formation des psychosomaticiens à l’IPSO. Elle a été la superviseuse très appréciée de nombre d’entre eux et elle a dirigé pendant des années le conseil de la formation de l’IPSO. 

Diane L’Heureux-Le Beuf a fait des conférences et écrit des articles qui nous ont marqués, parce qu’on y voit une grande psychanalyste au travail. Son point de vue théorique était toujours illustré par des observations cliniques d’une très grande finesse, à partir desquelles elle présentait, avec beaucoup de modestie et beaucoup de sensibilité aussi, des hypothèses théoriques très fécondes. 

Dans la discussion qu’il a faite d’une conférence de Diane L’Heureux-Le Beuf, André Green a écrit: « la clinique « existe » encore plus que la théorie, parce que la clinique ne se laisse pas enfermer dans la théorie ». Cette phrase permet de comprendre pourquoi les textes de Diane stimulaient tant la réflexion analytique de son auditoire, car elle proposait une théorisation de sa clinique qui n’enfermait jamais son auditeur ou son lecteur dans une explication trop bien ficelée. Elle était très claire dans ses exposés, sobre et élégante, et elle avait un humour qui, avec son bel accent québécquois, rendait ses conférences très plaisantes. Ce n’est pas pour rien qu’elle parlait du rôle « réanimant » du thérapeute. Elle jouait aussi ce rôle avec ses collègues. 

Dans ses analyses de cas cliniques, elle ouvrait de nombreuses pistes d’interprétations, faisant appel très subtilement, pour certaines d’entre elles, au double sens des mots et à l’homophonie, et elle suscitait chez nous qui l’écoutions l’admiration pour son travail, mais aussi le désir de poursuivre la réflexion sur cette clinique si riche dont elle nous parlait, et sur ses hypothèses. Par exemple, cette hypothèse audacieuse et dont on n’a pas fini de parler, que certains rêves sont comme des crises d’une maladie à crises : rêves-crises qui, une fois terminés, permettent de repartir vers l’avant. 

Voici comment elle décrivait elle-même son travail :
« Ces femmes et ces hommes veulent dire quelque chose, qu’il est important d’écouter, même si je n’en comprends pas toujours le sens. Je tente alors de me construire des représentations qui me permettent de garder un investissement libidinal, de conserver ma «capacité de rêverie». Pour faire face à ces patients difficiles, j’essaie d’être inventive ; je bâtis des hypothèses théoriques, j’amènage souvent ma pratique, dont le travail en face à face fait partie, j’interroge ma clinique. Avec peine souvent, mais toujours en essayant d’éprouver encore le plaisir à découvrir du nouveau en soi et dans l’autre, à rétablir le plaisir psychique. » 

« Éprouver encore le plaisir de découvrir du nouveau en soi et dans l’autre », c’est un très beau message que Diane nous a laissés, pas seulement pour notre pratique psychanalytique, mais aussi comme façon de vivre. 

Gérard Szwec